Prière irrésistible de Padre Pio

Cette prière s’appelle irrésistible parce qu’elle est fondée sur trois affirmations solennelles du Seigneur Lui-même. Nous lisons, dans l’Évangile, ces trois promesses, et, exprimée par Padre Pio, cette prière ne peut pas laisser le Cœur de Jésus insensible. La voici :

« 0 mon Jésus qui avez dit : « En vérité, en vérité, je vous le dis, demandez et vous recevrez, cherchez et vous trouverez, frappez et il vous sera répondu, voilà que je frappe, je cherche et je demande (telle) grâce… » »« 0 mon Jésus qui avez dit : « En vérité, en vérité, je vous le dis, tout ce que vous demanderez à mon Père, en mon nom, Il vous l’accordera. Voici qu’à Votre Père, en Votre Nom, je demande (telle) grâce… » »

« 0 mon Jésus qui avez dit : « En vérité, en vérité, je vous le dis, le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point ! » Voici que, m’appuyant sur l’infaillibilité de vos saintes paroles, je demande (telle) grâce… » »

Et chaque parole, chaque formulation de la grâce implorée, était suivie de la récitation d’un « Notre Père », à cause de la soumission à la Volonté de Dieu, d’un « Je vous salue, Marie », car Notre Dame était là pour appuyer cette prière, et d’un « Gloire au Père », pour exprimer, par avance et dans la confiance, notre remerciement à Dieu. Venait ensuite, à chaque fois, l’invocation : « Cœur Sacré de Jésus, j’ai confiance en Vous ! »

Homélie du Pape François du dimanche 1er janvier

Homélie intégrale du Pape François du dimanche 1er janvier

Le Pape François. – ANSA

01/01/2017 10:31
(RV) Le Pape François a présidé dimanche 1er janvier 2017 la messe en la solennité de Sainte Marie, Mère de Dieu, en la basilique Saint-Pierre. En voici l’homélie intégrale.Solennité de la très sainte Mère de Dieu – Homélie du Pape François«Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur» (Lc 2,19). C’est ainsi que Luc décrit l’attitude avec laquelle Marie accueille tout qu’ils vivaient en ces jours. Loin de vouloir comprendre ou dominer la situation, Marie est la femme qui sait conserver, c’est-à-dire protéger, garder dans son cœur le passage de Dieu dans la vie de son Peuple. De son sein, elle a appris à écouter le battement du cœur de son Fils, et cela lui a appris, pour toute sa vie,  à découvrir la palpitation de Dieu dans l’histoire. Elle a appris à être mère et, dans cet apprentissage, elle a donné à Jésus la belle expérience de se savoir Fils. En Marie, non seulement le Verbe éternel s’est fait chair, mais il a appris à reconnaître la tendresse maternelle de Dieu. Avec Marie, l’Enfant-Dieu a appris à écouter les aspirations, les angoisses, les joies et les espérances du peuple de la promesse. Avec elle il s’est découvert lui-même Fils du saint Peuple fidèle de Dieu.Marie apparaît dans les Évangiles comme une femme qui parle peu, qui ne fait pas de grands discours ni ne se met en avant, mais qui, avec un regard attentif, sait garder la vie et la mission de son Fils, et donc de tout ce qu’il aime. Elle a su garder les aurores de la première communauté chrétienne, et elle a ainsi appris à être mère d’une multitude. Elle s’est approchée des situations les plus diverses pour semer l’espérance. Elle a accompagné les croix portées dans le silence du cœur de ses enfants. Beaucoup de dévotions, beaucoup de sanctuaires et de chapelles dans les lieux les plus reculés, beaucoup d’images répandues dans les maisons nous rappellent cette grande vérité. Marie nous a donné la chaleur maternelle, celle qui nous enveloppe dans les difficultés; la chaleur maternelle qui permet que rien ni personne n’éteigne au sein de l’Église la révolution de la tendresse inaugurée par son Fils. Là où se trouve une mère, se trouve la tendresse. Et Marie nous montre avec sa maternité que l’humilité et la tendresse ne sont pas les vertus des faibles mais des forts, elle nous enseigne qu’il n’y a pas besoin de maltraiter les autres pour se sentir important (cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 288). Et, depuis toujours, le saint Peuple fidèle de Dieu l’a reconnue et saluée comme la Sainte Mère de Dieu.Célébrer la maternité de Marie comme Mère de Dieu et notre mère au début d’une année nouvelle signifie rappeler une certitude qui accompagnera nos journées: nous sommes un peuple qui a une Mère, nous ne sommes pas des orphelins.

Les mères sont l’antidote le plus fort contre nos tendances individualistes et égoïstes, contre nos fermetures et nos apathies. Une société sans mères serait non seulement une société froide, mais aussi une société qui a perdu le cœur, qui a perdu la «saveur de famille». Une société sans mères serait une société sans pitié, qui a laissé la place seulement au calcul et à la spéculation. Parce que les mères, même aux pires moments, savent donner le témoignage de la tendresse, du don de soi sans condition, de la force de l’espérance. J’ai beaucoup appris de ces mères qui, ayant les enfants en prison ou prostrés sur un lit d’hôpital, ou soumis à l’esclavage de la drogue, qu’il fasse froid ou chaud, qu’il pleuve ou dans la sécheresse, ne se rendent pas et continuent à lutter pour leur donner le meilleur. Oh ces mères qui, dans les camps de réfugiés, ou même en pleine guerre, réussissent à embrasser et à soutenir sans faiblir la souffrance de leurs enfants. Mères qui donnent littéralement leur vie pour qu’aucun de leurs enfants ne se perde. Là où se trouve la mère, se trouvent unité, appartenance, appartenance de fils.

Commencer l’année en faisant mémoire de la bonté de Dieu sur le visage maternel de Marie, sur le visage maternel de l’Église, sur le visage de nos mères, nous protège de la maladie corrosive qui consiste à être «orphelin spirituel», cette réalité que vit l’âme quand elle se sent sans mère et que la tendresse de Dieu lui manque. Cette condition d’orphelin que nous vivons quand s’éteint en nous le sens de l’appartenance à une famille, à un peuple, à une terre, à notre Dieu. Cette condition d’orphelin, qui trouve de la place dans le cœur narcissique qui ne sait regarder que lui-même et ses propres intérêts, et qui grandit quand nous oublions que la vie a été un don  – dont nous sommes débiteur des autres -, vie que nous sommes invités à partager dans cette maison commune.

Cette condition d’orphelin autoréférentielle est ce qui porta Caïn à dire: «Est-ce que je suis, moi, le gardien de mon frère ?» (Gn 4,9), comme à déclarer: il ne m’appartient pas, je ne le reconnais pas. Une telle attitude d’orphelin spirituel est un cancer qui use et dégrade l’âme silencieusement. Et ainsi, nous nous dégradons peu à peu, à partir du moment où personne ne nous appartient et que nous n’appartenons à personne: je dégrade la terre, parce qu’elle ne m’appartient pas, je dégrade les autres parce qu’ils ne m’appartiennent pas, je dégrade Dieu parce que je ne lui appartiens pas, et finalement nous nous dégradons nous-mêmes parce que nous oublions qui nous sommes, quel «nom» divin nous portons. La perte des liens qui nous unissent, typique de notre culture fragmentée et divisée, fait que ce sens d’être orphelin grandit, et même le sens de grand vide et de solitude. Le manque de contact physique (et non virtuel) cautérise peu à peu nos cœurs (cf. Let. enc. Laudato si’, n. 49) leur faisant perdre la capacité de la tendresse et de l’étonnement, de la pitié et de la compassion. Être orphelin spirituel nous fait perdre la mémoire de ce que signifie être fils, être petits-fils, être parents, être grands-parents, être amis, être croyants; nous fait perdre la mémoire de la valeur du jeu, du chant, du rire, du repos, de la gratuité.

Célébrer la fête de la Sainte Mère de Dieu nous fait surgir de nouveau sur le visage le sourire de se sentir être un peuple, de sentir que nous nous appartenons; de savoir que seulement dans une communauté, une famille, les personnes peuvent trouver le «climat», la «chaleur» qui permettent d’apprendre à grandir humainement et non pas comme de simples objets invités «à consommer et à être consommés». Célébrer la fête de la Sainte Mère de Dieu nous rappelle que nous ne sommes pas des marchandises d’échange ou des terminaux récepteurs d’informations. Nous sommes des fils, nous sommes une famille, nous sommes Peuple de Dieu.

Célébrer la Sainte Mère de Dieu nous pousse à créer et à préserver des espaces communs qui nous donnent un sens d’appartenance, d’enracinement, de nous sentir à la maison  dans nos villes, dans des communautés qui nous unissent et nous soutiennent (cf. ibid., n. 151).

Jésus Christ, au moment du don le plus grand de sa vie, sur la croix, n’a rien voulu garder pour lui, et en remettant sa vie il nous a remis aussi sa Mère. Il dit à Marie: voici ton fils, voici tes fils. Et nous voulons l’accueillir dans nos maisons, dans nos familles, dans nos communautés, dans nos villages. Nous voulons croiser son regard maternel. Ce regard qui nous empêche d’être orphelins; ce regard qui nous rappelle que nous sommes frères: que je t’appartiens, que tu m’appartiens, que nous sommes de la même chair. Ce regard qui nous enseigne que nous devons apprendre à prendre soin de la vie de la même manière et avec la même tendresse que lui en a pris soin: en semant l’espérance, en semant l’appartenance, en semant la fraternité.

Célébrer la Sainte Mère de Dieu nous rappelle que nous avons la Mère; nous ne sommes pas orphelins, nous avons une mère. Professons ensemble cette vérité ! Et je vous invite à l’acclamer trois fois, comme le firent les fidèles d’Ephèse: Sainte Mère de Dieu,  Sainte Mère de Dieu; Sainte Mère de Dieu.

(SBL)

Homélie du cardinal André Vingt-Trois

Homélie du cardinal André Vingt-Trois – Messe pour les victimes de Saint-Étienne du Rouvray

Mercredi 27 juillet 2016 – Cathédrale Notre-Dame de Paris

- Jr 15, 10.16-21 ; Ps 58 ; Mt 13,44-46

Mesdames et Messieurs,
Frères et Sœurs,

1. Seigneur, nous as-tu abandonnés ?

« Serais-tu pour moi un mirage, comme une eau incertaine ? »En ce moment terrible que nous vivons, comment ne ferions-nous pas nôtre ce cri vers Dieu du prophète Jérémie au milieu des attaques dont il était l’objet ? Comment ne pas nous tourner vers Dieu et comment ne pas Lui demander des comptes ? Ce n’est pas manquer à la foi que de crier vers Dieu. C’est, au contraire, continuer de lui parler et de l’invoquer au moment même où les événements semblent remettre en cause sa puissance et son amour. C’est continuer d’affirmer notre foi en Lui, notre confiance dans le visage d’amour et de miséricorde qu’il a manifesté en son Fils Jésus-Christ.

Ceux qui se drapent dans les atours de la religion pour masquer leur projet mortifère, ceux qui veulent nous annoncer un Dieu de la mort, un moloch qui se réjouirait de la mort de l’homme et qui promettrait le paradis à ceux qui tuent en l’invoquant, ceux-là ne peuvent pas espérer que l’humanité cède à leur mirage. L’espérance inscrite par Dieu au cœur de l’homme a un nom, elle se nomme la vie. L’espérance a un visage, le visage du Christ livrant sa vie en sacrifice pour que les hommes aient la vie en abondance. L’espérance a un projet, le projet de rassembler l’humanité en un seul peuple, non par l’extermination mais par la conviction et l’appel à la liberté. C’est cette espérance au cœur de l’épreuve qui barre à jamais pour nous le chemin du désespoir, de la vengeance et de la mort.

C’est cette espérance qui animait le ministère du P. Jacques Hamel quand il célébrait l’Eucharistie au cours de laquelle il a été sauvagement exécuté. C’est cette espérance qui soutient les chrétiens d’Orient quand ils doivent fuir devant la persécution et qu’ils choisissent de tout quitter plutôt que de renoncer à leur foi. C’est cette espérance qui habite le cœur des centaines de milliers de jeunes rassemblés autour du Pape François à Cracovie. C’est cette espérance qui nous permet de ne pas succomber à la haine quand nous sommes pris dans la tourmente.

Cette conviction que l’existence humaine n’est pas un simple aléa de l’évolution voué à la destruction inéluctable et à la mort habite le cœur des hommes quelles que soient leurs croyances et leurs religions. C’est cette conviction qui a été blessée sauvagement à Saint-Étienne du Rouvray et c’est grâce à cette conviction que nous pouvons résister à la tentation du nihilisme et au goût de la mort. C’est grâce à cette conviction que nous refusons d’entrer dans le délire du complotisme et de laisser gangréner notre société par le virus du soupçon.

On ne construit pas l’union de l’humanité en chassant les boucs-émissaires. On ne contribue pas à la cohésion de la société et à la vitalité du lien social en développant un univers virtuel de polémiques et de violences verbales. Insensiblement, mais réellement cette violence virtuelle finit toujours par devenir une haine réelle et par promouvoir la destruction comme moyen de progrès. Le combat des mots finit trop souvent par la banalisation de l’agression comme mode de relation. Une société de confiance ne peut progresser que par le dialogue dans lequel les divergences s’écoutent et se respectent.

2. La peur de tout perdre

La crise que traverse actuellement notre société nous confronte inexorablement à une évaluation renouvelée de ce que nous considérons comme les biens les plus précieux pour nous. On invoque souvent les valeurs, comme une sorte de talisman pour lequel nous devrions résister coûte que coûte. Mais on est moins prolixe sur le contenu de ces valeurs, et c’est bien dommage. Pour une bonne part, la défiance à l’égard de notre société, – et sa dégradation en haine et en violence – s’alimente du soupçon selon lequel les valeurs dont nous nous réclamons sont très discutables et peuvent être discutées. Pour reprendre les termes de l’évangile que nous venons d’entendre : quel trésor est caché dans le champ de notre histoire humaine, quelle perle de grande valeur nous a été léguée ? Pour quelles valeurs sommes-nous prêts à vendre tout ce que nous possédons pour les acquérir ou les garder ? Peut-être, finalement, nos agresseurs nous rendent-ils attentifs à identifier l’objet de notre résistance ?

Quand une société est démunie d’un projet collectif, à la fois digne de mobiliser les énergies communes et capable de motiver des renoncements particuliers pour servir une cause et arracher chacun à ses intérêts propres, elle se réduit à un consortium d’intérêts dans lequel chaque faction vient faire prévaloir ses appétits et ses ambitions. Alors, malheur à ceux qui sont sans pouvoir, sans coterie, sans moyens de pression ! Faute de moyens de nuire, ils n’ont rien à gagner car ils ne peuvent jamais faire entendre leur misère. L’avidité et la peur se joignent pour défendre et accroître les privilèges et les sécurités, à quelque prix que ce soit.

Est-il bien nécessaire aujourd’hui d’évoquer la liste de nos peurs collectives ? Si nous ne pouvons pas nous en affranchir, en nommer quelques-unes nous donne du moins quelque lucidité sur le temps que nous vivons. Jamais sans doute au cours de l’histoire de l’humanité, nous n’avons connu globalement plus de prospérité, plus de commodités de vie, plus de sécurité, qu’aujourd’hui en France. Les plus anciens n’ont pas besoin de remonter loin en arrière pour évoquer le souvenir des misères de la vie, une génération suffit. Tant de biens produits et partagés, même si le partage n’est pas équitable, tant de facilités à vivre ne nous empêchent pas d’être rongés par l’angoisse. Est-ce parce que nous avons beaucoup à perdre que nous avons tant de peurs ?

L’atome, la couche d’ozone, le réchauffement climatique, les aliments pollués, le cancer, le sida, l’incertitude sur les retraites à venir, l’accompagnement de nos anciens dans leurs dernières années, l’économie soumise aux jeux financiers, le risque du chômage, l’instabilité des familles, l’angoisse du bébé non-conforme, ou l’angoisse de l’enfant à naître tout court, l’anxiété de ne pas réussir à intégrer notre jeunesse, l’extension de l’usage des drogues, la montée de la violence sociale qui détruit, brûle, saccage et violente, les meurtriers aveugles de la conduite automobile… Je m’arrête car vous pouvez très bien compléter cet inventaire en y ajoutant vos peurs particulières. Comment des hommes et des femmes normalement constitués pourraient-ils résister sans faiblir à ce matraquage ? Matraquage de la réalité dont les faits divers nous donnent chaque jour notre dose. Matraquage médiatique qui relaie la réalité par de véritables campagnes à côté desquelles les peurs de l’enfer des prédicateurs des siècles passés font figure de contes pour enfants très anodins.

Comment s’étonner que notre temps ait vu se développer le syndrome de l’abri ? L’abri antiatomique pour les plus fortunés, abri de sa haie de thuyas pour le moins riche, abri de ses verrous, de ses assurances, appel à la sécurité publique à tout prix, chasse aux responsables des moindres dysfonctionnements, bref nous mettons en place tous les moyens de fermeture. Nous sommes persuadés que là où les villes fortifiées et les châteaux-forts ont échoué, nous réussirons. Nous empêcherons la convoitise et les vols, nous empêcherons les pauvres de prendre nos biens, nous empêcherons les peuples de la terre de venir chez nous. Protection des murs, protection des frontières, protection du silence. Surtout ne pas énerver les autres, ne pas déclencher de conflits, de l’agressivité, voire des violences, par des propos inconsidérés ou simplement l’expression d’une opinion qui ne suit pas l’image que l’on veut nous donner de la pensée unique.

Silence des parents devant leurs enfants et panne de la transmission des valeurs communes. Silence des élites devant les déviances des mœurs et légalisation des déviances. Silence des votes par l’abstention. Silence au travail, silence à la maison, silence dans la cité ! A quoi bon parler ? Les peurs multiples construisent la peur collective, et la peur enferme. Elle pousse à se cacher et à cacher.

C’est sur cette inquiétude latente que l’horreur des attentats aveugles vient ajouter ses menaces. Où trouverons-nous la force de faire face aux périls si nous ne pouvons pas nous appuyer sur l’espérance ? Et, pour nous qui croyons au Dieu de Jésus-Christ, l’espérance c’est la confiance en la parole de Dieu telle que le prophète l’a reçue et transmise : « Ils te combattront, mais ils ne pourront rien contre toi, car je suis avec toi pour te sauver et te délivrer. Je te délivrerai de la main des méchants, je t’affranchirai de la poigne des puissants. »

« Mon rempart, c’est Dieu, le Dieu de mon amour. »

Amen !

Cardinal André VINGT-TROIS
Archevêque de Paris.

Homélie du pape Jean-Paul II pardonnons et …

HOMÉLIE DU PAPE JEAN PAUL II

MESSE POUR LA JOURNÉE DU PARDON
DE L’ANNÉE SAINTE 2000

Dimanche 12 mars 2000

 

1. « Nous vous en supplions au nom du Christ:  laissez-vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n’avait pas connu le péché, Il l’a fait péché pour nous, afin qu’en lui nous devenions justice de Dieu » (2 Co 5, 20-21).

Ce sont des paroles de saint Paul, que l’Eglise relit chaque année, le Mercredi des Cendres, au début du Carême. Au cours du Carême, l’Eglise désire s’unir de façon particulière au Christ, qui, mû intérieurement par l’Esprit Saint, entreprit sa mission messianique en se rendant dans le désert et là, jeûna pendant quarante jours et quarante nuits (cf. Mc 1, 12-13).

Au terme de ce jeûne, il fut tenté par satan, comme le rapporte de façon synthétique, dans la liturgie d’aujourd’hui, l’évangéliste Marc (cf. 1, 13). Matthieu et Luc, au contraire, évoquent plus amplement ce combat du Christ dans le désert et de sa victoire définitive sur le tentateur:  « Retire-toi, Satan! Car il est écrit:  C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, et à Lui seul tu rendras un culte » (Mt 4, 10).

Celui qui parle ainsi est Celui « qui n’avait pas connu le péché » (2 Co 5, 21), Jésus, « le Saint de Dieu » (Mc 1, 24).

2. « Celui qui n’avait pas connu le péché, Il [Dieu] l’a fait péché pour nous » (2 Co 5, 21). Il y a peu de temps, au cours de la seconde Lecture, nous avons écouté cette affirmation surprenante de l’Apôtre. Que signifient ces paroles? Elles semblent un paradoxe, et effectivement, elles le sont. Comment Dieu, qui est la sainteté même, a-t-il pu « faire péché » son Fils unique, envoyé dans le monde? Et pourtant, c’est précisément ce que nous lisons dans le passage de la seconde Epître de saint Paul aux Corinthiens. Nous nous trouvons face à un mystère:  mystère à première vue déconcertant, mais inscrit en lettres claires dans la Révélation divine.

Déjà dans l’Ancien Testament, le Livre d’Isaïe en parle avec une prévoyance inspirée dans le quatrième chant du Serviteur de Yahvé:  « Tous, comme des moutons, nous étions errants, chacun suivant son propre chemin, et Yahvé a fait retomber sur lui nos fautes à nous » (Is 53, 6).

Le Christ, le Saint, tout en étant absolument sans péché, accepte de prendre sur lui nos péchés. Il accepte pour nous racheter; il accepte d’assumer nos péchés, pour accomplir la mission reçue du Père, qui – comme l’écrit l’évangéliste Jean – « a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui […] ait la vie éternelle » (Jn 3, 16).

3. Face au Christ qui, par amour, a assumé nos fautes, nous sommes tous invités à un profond examen de conscience. L’un des éléments caractéristiques du grand Jubilé réside dans ce que j’ai qualifié de « purification de la mémoire » (Bulle Incarnationis mysterium, n. 11). Comme Successeur de Pierre, j’ai demandé que « en cette année de miséricorde, l’Eglise, forte de la sainteté qu’elle reçoit de son Seigneur, s’agenouille devant Dieu et implore le pardon des péchés passés et présents de ses fils » (ibid.). Ce premier dimanche de Carême m’a semblé une occasion propice afin que l’Eglise, recueillie spirituellement autour du Successeur de Pierre, implore le pardon divin pour les fautes de tous les croyants. Pardonnons et demandons pardon!

Cet appel a suscité dans la communauté ecclésiale une réflexion approfondie et utile, qui a conduit à la publication, ces jours derniers, d’un document de la Commission théologique internationale, intitulé:  « Mémoire et réconciliation:  l’Eglise et les fautes du passé ». Je remercie tous ceux qui ont contribué à l’élaboration de ce texte. Celui-ci est très   utile   pour   une   juste   compréhension et application de la véritable demande de pardon, fondée sur la responsabilité objective qui unit les chrétiens en tant que membres du Corps mystique, et qui pousse les fidèles d’aujourd’hui à reconnaître, avec les leurs, les fautes des chrétiens d’hier, à la lumière d’un discernement historique et théologique attentif. En effet, « en raison du lien qui, dans le Corps mystique, nous unit les uns aux autres, nous tous, bien que nous n’en ayons pas la responsabilité personnelle et sans nous substituer au jugement de Dieu qui seul connaît les coeurs, nous portons le poids des erreurs et des fautes de ceux qui nous ont précédés » (Incarnationis mysterium, n. 11). Reconnaître les déviations du passé sert à réveiller nos consciences face aux compromis du présent, ouvrant à chacun la voie de la conversion.

4. Pardonnons et demandons pardon! Tandis que nous rendons grâces à Dieu qui, dans son amour miséricordieux, a suscité dans l’Eglise une récolte merveilleuse de sainteté, d’ardeur missionnaire, de dévouement total au Christ et au prochain, nous ne pouvons manquer de reconnaître les infidélités à l’Evangile qu’ont commises certains de nos frères, en particulier au cours du second millénaire. Demandons pardon pour les divisions qui sont intervenues parmi les chrétiens, pour la violence à laquelle certains d’entre d’eux ont eu recours dans le service à la vérité, et pour les attitudes de méfiance et d’hostilité adoptées parfois à l’égard des fidèles des autres religions.

Confessons, à plus forte raison, nos responsabilités de chrétiens pour les maux d’aujourd’hui. Face à l’athéisme, à l’indifférence religieuse, au sécularisme, au relativisme éthique, aux violations du droit à la vie, au manque d’intérêt pour la pauvreté de nombreux pays, nous ne pouvons manquer de nous  demander  quelles  sont  nos  responsabilités.

Pour la part que chacun d’entre nous, à travers ses comportements, a eue dans ces maux, contribuant à défigurer le visage de l’Eglise, nous demandons humblement pardon.

Dans le même temps, tandis que nous confessons nos fautes, nous pardonnons les fautes commises par les autres à notre égard. Au cours de l’histoire, en d’innombrables occasions, les chrétiens ont dû subir des vexations, des violences et des persécutions en raison de leur foi. L’Eglise d’aujourd’hui et de toujours se sent engagée à purifier la mémoire de ces tristes événements de tout sentiment de rancoeur ou de revanche. Le Jubilé devient ainsi pour tous une occasion propice pour une profonde conversion à l’Evangile. De l’accueil du pardon divin jaillit l’engagement au pardon des frères et à la réconciliation réciproque.

5. Mais que signifie pour nous le terme « réconciliation »? Pour en saisir le sens et la valeur exacte, il faut d’abord se rendre compte de la possibilité de la division, de la séparation. Oui, l’homme est la seule créature sur terre qui puisse établir une relation de communion  avec  son  Créateur,  mais elle est également l’unique à pouvoir s’en séparer. Malheureusement, l’homme s’est effectivement souvent éloigné de Dieu.

Heureusement, de nombreuses personnes, comme le fils prodigue, dont parle l’Evangile de Luc (cf. Lc 15, 13), après avoir abandonné la maison paternelle et dilapidé l’héritage reçu, touchent le fond, se rendent compte de ce qu’ils ont perdu (cf. Lc 15, 13-17). Ils entreprennent alors la voie du retour:  « Je veux partir, aller vers mon père et lui dire:  Père, j’ai péché … » (Lc 15, 18).

Dieu, bien représenté par le père de la parabole, accueille chaque fils prodigue qui retourne vers Lui. Il l’accueille à travers le Christ, dans lequel le pécheur peut redevenir « juste » de la justice de Dieu. Il l’accueille, parce qu’il a fait péché en notre faveur son Fils éternel. Oui, ce n’est qu’à travers le Christ que nous pouvons devenir justice de Dieu (cf. 2 Co 5, 21).

6. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique ». Telle est, en synthèse, la signification du mystère de la rédemption du monde! Il faut se rendre compte jusqu’au bout de la valeur du grand don que le Père nous a fait en Jésus. Il faut que devant les yeux de notre âme se présente le Christ – le Christ du Gethsémani, le Christ flagellé, couronné d’épines, portant la Croix, et à la fin, crucifié. Le Christ a pris sur lui le poids des péchés de tous les hommes, le poids de nos péchés, afin que nous puissions, en vertu de son sacrifice salvifique, être réconciliés avec Dieu.

Saul de Tarse, devenu saint Paul, se présente aujourd’hui devant nous comme témoin:  il a ressenti de façon singulière la puissance de la Croix sur la route de Damas. Le Ressuscité s’est manifesté à lui dans toute sa puissance aveuglante:  « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu?… Qui es-tu, Seigneur?… Je suis Jésus que tu persécutes » (Ac 9, 4-5). Paul, qui ressentit si fortement la puissance de la Croix du Christ, s’adresse aujourd’hui à nous à travers une fervente prière:  « Nous vous exhortons à ne pas recevoir en vain la grâce de Dieu ». Cette grâce nous est offerte, insiste saint Paul, par Dieu lui-même, qui nous dit aujourd’hui:  « Au moment favorable, je t’ai exaucé; au jour  du  salut,  je  t’ai  secouru »  (2 Co 6, 1-2).

Que Marie, Mère du pardon, nous aide à accueillir la grâce du pardon que le Jubilé nous offre avec abondance. Qu’elle fasse que le Carême de cette extraordinaire Année Sainte soit pour tous les croyants et pour chaque homme qui recherche Dieu, le moment favorable, le temps de la réconciliation, le temps du salut!


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